Les Juifs sont installés en Alsace depuis de longs siècles. Sans oser affirmer leur présence depuis le haut moyen âge, comme ce fut le cas des Juifs de la vallée du Rhin que l'on découvre à Cologne dès le 5ème siècle, on peut prétendre que la première communauté alsacienne s'est constituée aux alentours de l'an mille. Ce qui est certain, c'est qu'au cours du 12ème siècle, Benjamin de Tudèle signale à Strasbourg de nombreux savants. Une pierre votive évoquant un don à la synagogue, et datant de la même époque, a été retrouvée près de la rue des Juifs il y a plus d'un siècle.
A partir de la seconde Croisade, on entend parler des Juifs d'Alsace, et le 13ème siècle sera marqué par de nombreuses brimades et discriminations, depuis Wissembourg jusqu'à Rouffach.
Epargnés par les hordes qui massacrèrent, en 1096, les Juifs de Worms, de Mayence, de Spire et de tant d'autres villes rhénanes, les Juifs d'Alsace se constituèrent en communautés "protégées" par l'Empereur, l'évêque, les municipalités. La puissance grandissante de l'Eglise et le développement du commerce parmi les bourgeois des cités enlèveront progressivement aux Juifs leurs droits civiques et les chasseront de la vie sociale, en les cantonnant dans des professions d'intermédiaires. Exclus des corporations, ils ne pourront exercer des métiers d'artisans. Les limitations dans l'acquisition de biens immobiliers, l'interdiction d'employer des domestiques chrétiens leur fermeront également les professions agricoles.
Il ne leur restait que le petit commerce, le négoce des bestiaux, la profession médicale (elle ne concernait que quelques rares individus) et le prêt d'argent. Il fallait, d'un capital souvent très modique, tirer de quoi payer les taxes diverses et faire vivre la famille. Souvent c'était le seigneur qui avançait l'argent au prêteur, le Juif n'étant que le prête-nom, grâce à qui l'on contournait les lois ecclésiastiques interdisant l'usure aux Chrétiens.
Le prêt d'argent était indispensable à une époque où le numéraire était rare. Les créances étaient à court terme et fort souvent, par un caprice de prince ou par un acte de violence, le Juif perdait, avec les intérêts, le capital lui-même, lorsqu'il n'y laissait pas en même temps la vie.
La fin du 13ème siècle et les premières années du 14ème voient les Juifs en Alsace complètement dépendants des seigneurs laïcs et religieux, ou des magistrats des cités qui les hébergent. Ceux-ci leur promettent, moyennant finances, de protéger leurs corps et leurs biens. Mais ils sont à la merci d'un soulèvement populaire ou d'une accusation souvent fallacieuse. Ainsi à Wissembourg, on les accusera de meurtre rituel. Puis en Haute Alsace, 1500 d'entre eux sont victimes des excès des paysans révoltés, sous la conduite de Armelder en 1336. On les brûle à Rouffach en 1308 et en 1338, et plus jamais aucun Juif n'habitera cette localité.
Enfin, en 1349, sous prétexte que les Juifs auraient empoisonné --ou fait empoisonner-- les puits, provoquant la Peste noire, on massacrera la collectivité juive de presque toute l'Alsace, en confisquant, bien entendu, leurs biens.
Ainsi disparurent les communautés de Strasbourg, Benfeld, Sélestat, Bergheim, Colmar, Mulhouse, Lauterbourg. A Soultz, Molsheim et Obernai, on se contente de les expulser. Certaines des communes qui avaient massacré ou chassé leurs Juifs s'étaient engagées à ne plus en accueillir, temporairement ou définitivement. Néanmoins, nombre de survivants de la tuerie de 1349 retournèrent dans leur localités antérieures, et même Strasbourg rouvrit ses portes aux Juifs en 1362. Elle les chassera définitivement en 1391.
Pendant près de deux siècles, les grandes agglomérations cherchèrent à se débarrasser des quelques familles juives qui y avaient été acceptées, souvent sur l'insistance du pouvoir impérial.
Au cours de cette période, les Juifs furent les victimes privilégiées de toutes les invasions et de toutes les révoltes. On les accusera d'être à l'origine des épidémies. Lors des guerres multiples qui virent les mercenaires s'abattre sur l'Alsace, lieu de passage indispensable des troupes, ils seront les premiers à être rançonnés, pillés, parfois massacrés.
Pendant la guerre de cent ans, ils connaîtront l'invasion des Bâlois en lutte avec l'Autriche. Avec leurs voisins chrétiens, ils subiront la férocité des Ecorcheurs et des Armagnacs et, plus tard, celle des soldats de Charles le Téméraire. Au 16ème siècle, la révolte des paysans, tant en Haute qu'en Basse Alsace, menacera l'existence de la poignée de Juifs de la Province.
Ces événements serviront aussi de prétexte pour les expulser des dernières villes qui les avaient acceptés et qui craignaient, en les protégeant, les représailles des paysans révoltés ou des troupes avides de butin.
C'est ainsi qu'en 1550, avaient disparu définitivement les communautés urbaines de Strasbourg, Rosheim, Sélestat, Obernai, Colmar, Mulhouse et Molsheim.
La seule synagogue qui subsiste de cette époque est celle de Bergheim, confisquée après les massacres de la Peste noire. Elle fut rachetée par les Juifs en 1551. Cette synagogue, restaurée plusieurs fois, fut reconstruite sur place vers 1860. Elle est le seul vestige juif en Alsace des communautés du 14ème au 17ème siècle, avec probablement l'un ou l'autre des vieux cimetières dont ne subsistent guère ou pas du tout de pierres tombales de cette époque.
Le morcellement de l'Alsace entre de multiples seigneuries permit aux Juifs chassés des villes de trouver asile dans la Province. Cependant, après 1349, de nombreux Alsaciens émigrèrent vers l'Allemagne, puis vers l'Europe centrale et orientale. Le célèbre Maharshal (Rabbi Salomon Louria) qui, au 16ème siècle, dirigeait une grande école talmudique en Pologne, signale parmi ses ancêtres Rabbi Aron, Parnass et Dayan de toute l'Alsace.
Parmi les seigneuries laïques, figurait en premier lieu la maison des Habsbourg. Elle possédait une grande partie de la Haute Alsace avec le Sundgau et cinq bailliages, ainsi que de nombreuses seigneuries dépendant de la régence d'Ensisheim.
Dans la Haute Alsace aussi, les Ribeaupierre étaient les maîtres d'une cinquantaine de bourgs et de villages. Les Hanau-Lichtenberg, remplacés au 18ème siècle par les Hesse-Darmstadt, possédaient plus de cent localités dans le Bas-Rhin : c'est Bouxwiller qui était le chef-lieu de leur comté.
Enfin, 150 localités environ dans le Bas-Rhin dépendaient de multiples seigneurs regroupés dans la noblesse immédiate d'Alsace.
Les seigneuries ecclésiastiques étaient avant tout celles de l'évêché de Strasbourg qui, dans la Province, possédait environ 115 localités réparties en sept bailliages en Basse Alsace et en trois bailliages dans le mundat haut-rhinois. Diverses abbayes, ainsi que les évêchés de Spire et de Bâle, étaient également maîtres de villages et de petites villes. Il y avait enfin Strasbourg et les villes de la Décapole, dont dépendaient un certain nombre de villages avoisinants.
Au cours des siècles, l'empereur, dont les Juifs étaient les "Kammerknechten", avait peu à peu accordé aux dynastes et aux seigneurs le droit d'accepter ou de refuser des Juifs sur leurs terres. Ces seigneurs, souvent à court d'argent, voyaient dans les Juifs une source non négligeable de revenus. Aussi reçurent-ils sur leurs terres des familles expulsées des villes voisines. Ils acceptèrent en général une ou deux familles par localité. C'est ainsi que le judaïsme alsacien devint un judaïsme rural, et jusqu'au milieu du 19ème siècle, il y eut surtout des communautés de campagne.
La situation juridique des Juifs n'était pas très stable. Il arrivait fréquemment que l'on mette en cause leur droit de séjour. Plus souvent encore, les villes voisines, où n'habitaient pas de Juifs, essayaient de leur interdire l'accès de leur territoire, même pour les besoins commerciaux. Aussi les Juifs désignèrent-ils des "intercesseurs" (shtadlanim ou parnassim-manhiguim) pour plaider leur cause. Ces Shtadlanim allaient parfois jusqu'à la cour impériale pour intercéder en faveur de leurs frères.
Le plus célère parmi ces Shtadlanim d'Alsace fut Josselmann de Rosheim. Il consacra sa vie à défendre ses coreligionnaires auprès de Maximilien 1er puis de Charles Quint. Plus d'une fois, il mit son existence en danger pour faire reconnaître les droits que les Juifs avaient reçus de l'Empereur ou des propriétaires terriens. Il obtint même que les villes interdites aux Juifs permettent à des familles de trouver asile temporairement derrière leurs murs, lors des révoltes de paysans par exemple.
La population juive clairsemée de l'Alsace traversa ainsi le 16ème siècle. Mais en 1618 commença la guerre de Trente ans. Pendant une génération entière, l'Alsace connut massacres et pillages, et de nombreux villages furent brûlés par les "Suédois" ou leurs adversaires impériaux. Les Juifs partagèrent le sort commun. Lorsque le traité de Westphalie mit fin à cette guerre, l'Alsace était exsangue. Villages détruits, population réduite, une région en ruines !
C'est ainsi que l'Alsace, à l'exclusion de Strasbourg et de Mulhouse, devint partie du territoire français. Et un nouveau chapitre s'ouvrit pour le judaïsme alsacien.
Le traité de Westphalie, en 1648, accorda à la France la Province d'Alsace. Mais il faudra attendre 1681 pour voir Strasbourg se soumettre à la domination de Louis XIV. Quant à Mulhouse qui faisait partie de la Confédération suisse, elle ne deviendra française qu'à la fin du 18ème siècle.
La présence de Juifs en Alsace posa des problèmes. La France avait expulsé ses Juifs depuis le 16ème siècle au plus tard. On pensa un moment à en faire autant avec ceux de la province annexée. Mais les seigneurs exigèrent le respect de leurs privilèges, qui leur donnaient le droit d'accepter ou de refuser des Juifs.
Au cours de la guerre de Trente ans et immédiatement après, des Juifs étaient arrivés en Alsace, en particulier depuis le Pays de Bade. Leur rôle comme fournisseurs de chevaux à l'armée ou pour les approvisionnements en fourrage ou en céréales, leur avait valu le soutien des chefs militaires. Leur présence représentait une source de revenus pour les tenants des localités où ils trouvaient asile. Aussi, l'administration française dut-elle accepter la présence des Juifs et en profita pour les taxer au bénéfice des caisses de l'Etat, sans les décharger pour autant des droits de protection qu'ils payaient déjà aux seigneurs des localités ou aux magistrats de leur résidence.
Un recensement, effectué en 1689 par l'intendant De La
Grange dénombra en tout 525 familles, soit 2600 âmes environ dans toute la Province :
391 d'entre elles habitaient la
Basse Alsace et 134 la Haute Alsace. Très peu d'entre
elles résidaient dans les villes.
On comptait : - 19 familles à Haguenau - 18 familles à Bouxwiller - 8 familles à Wissembourg - 6 familles à Saverne - 3 familles à Obernai |
Par contre : - 37 familles vivaient à Westhoffen - 20 familles vivaient à Marmoutier - 17 familles vivaient à Bollwiller - 14 familles vivaient à Hégenheim |
NOMBRE DE COMMUNAUTES JUIVES ALSACIENNES D'APRES LE RECENSEMENT DE 1784 |
|||
Type de Communauté | Haute Alsace |
Basse Alsace |
Total |
Plus de 300 âmes | 6 | 3 | 9 |
Entre 200 et 300 âmes | 11 | 6 | 17 |
Entre 100 et 200 âmes | 16 | 29 | 45 |
Entre 50 et 100 âmes | 8 | 44 | 52 |
Entre 20 et 50 âmes | 7 | 35 | 42 |
Juifs dispersés dans 13 villages (3 à 20 âmes par village) |
En 1697, les Juifs étaient déjà au nombre de 3655, et représentaient 1/70ème de la population totale de l'Alsace. Ils étaient 1269 familles en 1716, 2585 en 1750 et 3942 familles, soit 19624 âmes, lors du recensement ordonné par Louis XVI en 1784.
C'est donc au cours du 18ème siècle que se développa la nouvelle communauté d'Alsace.
Au moment de la Révolution, il existait donc en Alsace plus de 150 communautés. Les plus anciennes dataient du 17ème siècle, les plus récentes, de la moitié du 18ème siècle.
Au cours des siècles précédant le traité de Westphalie, les seigneurs dont dépendaient les villes ou les villages ayant une population juive, désignaient des préposés responsables devant eux pour l'observance des règlements édictés, tant pour le nombre de familles tolérées, que pour les limitations dans le domaine professionnel, mais surtout pour la collecte des impôts et taxes spéciales dus par la collectivité juive.
Pour les dissensions entre Juifs, les propriétaires des terres alsaciennes accordaient à des rabbins, reconnus par les communautés, le droit de rendre la justice et d'imposer des amendes dont le montant ôtait partagé souvent pour moitié, une partie revenant aux seigneurs et l'autre destinée aux oeuvres charitables.
Lorsque l'Alsace devint françaises, seules les anciennes possessions autrichiennes passèrent sous l'autorité du roi. Le reste de la province, comme par le passé, resta terres seigneuriales, et les propriétaires de ces terres exigèrent le maintien de leurs droits concernant la nomination des rabbins et l'imposition de leurs Juifs.
Mais dès 1681, l'administration française nomma un rabbin de la Haute et Basse Alsace, qui devait être l'instance supérieure pour toutes les affaires entre Juifs. Cette fonction ne fut remplie que par trois titulaires, et disparut en 1721.
Il y eut alors, jusqu'à la Révolution, trois rabbins de Haute Alsace, à Ribeauvillé puis à Uffholtz, et quatre de Basse Alsace, à Haguenau.
Les successeurs des comtes de Hanau-Lichtenberg nommèrent leurs propres rabbins, avec siège à Bouxwiller, l'évêque de Strasbourg les siens, siégeant à Mutzig. Enfin, la noblesse immédiate d'Alsace désignera ses rabbins, qui siégeront à Niedernai.
Au cours du 18ème siècle, certains préposés, grâce à leur fortune et à l'influence qu'ils pouvaient avoir auprès des autorités, occupèrent des places prépondérantes et furent reconnus comme préposés généraux des Juifs. Ils furent un peu les précurseurs des consistoires, organismes centraux des communautés.
Lors du recensement général de 1784, il y avait des Juifs dans 186 localités, y compris celles du nord de la Lauter, qui cesseront d'être alsaciennes en 1815, et celles de la région de Belfort, qui resteront françaises après 1870. Parmi ces communautés, voici les localités qui possédaient des rabbins :
Localités qui possédaient des rabbins : | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
en Basse Alsace :
|
en Haute Alsace :
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
Des communautés se reconstituèrent dans les villes jusqu'ici interdites aux Juifs : Strasbourg et Colmar attirèrent peu à peu les populations des villages avoisinants. Mais la suppression de la législation discriminatoire provoqua un affaiblissement du sens communautaire. Certains Juifs se désintéressèrent de la Kehila, refusant de participer à ses charges ou de reconnaître l'autorité de ses rabbins ou de ses parnassim.
La plupart des juifs alsaciens, cependant, restèrent attachés à leurs traditions, et ce n'est que petit à petit que, timidement, ils sortirent de leurs ghettos volontaires.
Pendant la Terreur, on essaya d'interdire la pratique religieuse dans certaines localités, et plusieurs rabbins furent même incarcérés parce qu'ils refusaient d'abjurer "leurs supersititions".
Ce n'est que vers la fin du siècle que l'on vit apparaître en Alsace quelques Juifs qui, par le négoce ou l'industrie, parvinrent à se créer des situations confortables. La majorité de leurs coreligionnaires continua, surtout dans les campagnes, à pratiquer les métiers d'intermédiaires, métiers qu'ils conserveront pendant plusieurs générations encore.
Les paysans alsaciens avaient acheté de nombreux biens nationaux, confisqués à leurs propriétaires émigrés. Pour payer leurs acquisitions, ils avaient emprunté auprès de leurs voisins juifs. Mais, souvent incapables de rembourser leurs dettes, les paysans se virent enlever leurs terres et conçurent une haine grandissante contre les Juifs qu'ils accusaient de les avoir ruinés. Une littérature anti-juive virulente attisa encore l'hostilité jusqu'à l'avènement de l'Empire. Napoléon, de passage à Strasbourg, entendit les récriminations, et décida de s'occuper du problème juif en organisant le culte israélite comme il l'avait fait avec le catholicisme par le Concordat, puis avec le culte protestant.
A partir de 1807, le judaïsme d'Alsace fut donc partagé en deux consistoires : celui de Strasbourg pour le Bas-Rhin et celui de Wintzenheim, la communauté la plus importante, pour le Haut-Rhin.
Cette réglementation était la conséquence des débats de l'Assemblée des notables juifs, convoqués à Paris par Napoléon, et des décisions doctrinales établies par le "Grand Sanhédrîn" qui l'avait complétée.
Le consistoire et son grand rabbin désignaient les rabbins, les ministres officiants, les shohatim (bouchers rituels) et les mohalim (circonciseurs) de leur circonscription, ainsi que les commissaires administrateurs des synagogues. Les consistoires étaient responsables devant un consistoire central, composa de trois grand-rabbins et de plusieurs laïcs. La mort de David Sintzheim, le premier des grands rabbins du Consistoire central, puis le départ pour Venise d'un second grand rabbin (de Cologna), laissèrent le Consistoire central avec un seul grand rabbin. Ses successeurs portèrent plus tard le titre de Grand Rabbin de France.
En 1831, Louis-Philippe décréta que les rabbins et les ministres officiants du culte israélite percevraient des traitements sur la caisse de l'Etat, accordant ainsi aux Juifs les mêmes droits qu'aux Catholiques et aux Protestants. Ce décret expliquel'extraordinaire essor des communautés d'Alsace au 19ème siècle.
A partir de 1832, il y eut dans le Bas-Rhin un grand rabbin à Strasbourg et 18 postes rabbiniques pour 111 communautés recensées en 1849 et possédant une synagogue : |
|
Dans le Haut-Rhin, il y avait un grand rabbin à Wintzenheim, (siège transféré à partir de 1825 à Colmar), et 18 postes rabbiniques pour 49 comunautés, dont 38 existaient déjà en 1784 : |
|
Entre 1840 et 1860, les communautés de campagne se développèrent considérablement et nombre de synagogues furent, soit transformées, soit reconstruites. Durant la même période, les chefs-lieux d'arrondissement ou les villes plus importantes attirèrent une population juive toujours plus nombreuse.
A partir de 1860, nous verrons petit à petit le départ des Juifs des régions rurales. L'évolution économique, les nouveaux moyens de transport n'obligeaient plus les marchands de bestiaux, de céréales ou de houblon à habiter le village où ils travaillaient.
Les postes rabbiniques de la campagne ne trouvèrent plus de candidats, car les kehiloth n'avaient pas les moyens matériels pour l'entretien d'un rabbin en plus d'un ministre officiant.
Ainsi, en 1910, puis en 1915, les autorités civiles décidèrent de supprimer dans le Bas-Rhin, les six rabbinats de Dambach, Lauterbourg, Marmoutier, Mutzig, Quatzenheim et Schirrhoffen. Des rabbinats furent créés à Barr (à la place de Dambach) et à Bischwiller (à la place de Schirrhoffen).
Dans le Haut-Rhin, on supprima les rabbinats de Bergheim, Biesheim, Blotzheim, Durmenach, Hagenthal-le-Bas, Hattstatt, Hégenheim, Pfastatt, Rixheim, Seppois-le-Bas, Sierentz, Soultz, Soultzmatt et Uffholtz. Certains étaient restés sans titulaire depuis de longues années. On créa les rabbinats de Dornach, Guebwiller et Saint-Louis.
La plupart des postes rabbiniques supprimés furent remplacés par des postes de ministres officiants, et ceci jusqu'à la disparition de ces communautés, avant ou après la dernière guerre.
Entre 1942 et 1945, moururent en déportation ou furent fusillés par les Allemands, le grand rabbin René Hirschler (Strasbourg), ainsi que les rabbins Robert Brunschwig (Strasbourg Etz Haïm), Elie Cyper (Strasbourg-Périgueux), Samy Klein (aumônier de la jeunesse) et Aron Wolf (Strasbourg). Sur les vingt rabbins français disparus en déportation, onze étaient nés ou avaient exercé en Alsace. Sur les 25 ministres officiants disparus, 21 étaient originaires d'Alsace ou y avaient exerçé.
En 1831, le gouvernement de Louis-Philippe accorda au culte israélite en France l'égalité avec les cultes chrétiens, en prenant en charge les traitements des rabbins et des ministres officiants. C'est à partir de cette année que nous connaissons avec précision le nombre des communautés et leur composition.
Pour l'Alsace, les deux départements du Rhin étaient divisés administrativement de la manière suivante :
BAS-RHIN :
|
HAUT-RHIN :
|
Carte du judaïsme alsacien |